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AURORA FLOYD

John, assis patiemment au chevet de sa femme, songeait fort peu à la chaleur du jour. Je doute même qu’il sût dans quel mois on était. Pour lui, la terre ne renfermait qu’une seule créature ; cette créature était souffrante et malheureuse, et il ne pouvait la consoler, car il ignorait la nature de sa douleur.

Quand il lui adressa la parole, sa voix tremblait.

— Mon amie, vous avez été bien malade, — lui dit-il.

Elle le regarda avec un sourire si différent de son expression ordinaire, qu’il eût été moins pénible pour lui de lui voir verser d’abondantes larmes ; puis elle lui tendit la main. Il prit cette main brûlante dans la sienne, et la garda pendant qu’il lui parlait.

— Oui, ma très-chère femme, vous avez été malade ; mais Morton assure que ce n’a été qu’une simple attaque de nerfs, et que demain il n’y paraîtra plus ; ainsi il n’y a donc pas lieu de s’alarmer. Ce qui me peine, chère amie, c’est de voir que vous avez dans l’esprit quelque chose… quelque chose qui a été la cause réelle de votre maladie.

Elle détourna son visage, et essaya de lui retirer sa main dans son impatience, mais il la tenait fortement dans les siennes.

— Est-ce que ce que je vous ai dit hier vous cause de la peine, Aurora ? — demanda-t-il avec gravité.

— Me faire de la peine ?… Oh ! non.

— Alors, dites-moi, chère enfant, pourquoi ce nom, le nom de cet entraîneur prononcé en votre présence, a-t-il produit sur vous un si terrible effet ?

— Le docteur vous a dit que c’était une attaque de nerfs, — dit-elle froidement. — Je suppose qu’hier j’étais disposée à une attaque de nerfs, voilà tout.

— Mais ce nom, Aurora, ce nom… ce James Conyers… qui est-il ?…

Il sentit la main qu’il tenait serrée s’agiter convulsivement dans la sienne à la simple mention du nom de l’entraîneur.

— Quel est cet homme ?… dites-le-moi, Aurora… ; pour Dieu, dites-moi la vérité.