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AURORA FLOYD

son aile protectrice. Lady Bulstrode était parfaitement satisfaite du choix de son fils.

— Vous auriez pu mieux faire, certainement, quant à la position et à la fortune, — disait-elle à Talbot, — et dans ma sollicitude maternelle j’aurais préféré vous voir épouser toute autre femme que la cousine de cette demoiselle Floyd qui s’est échappée de la pension et a causé un tel scandale au pensionnat de Paris.

Mais le cœur de lady Bulstrode était à Lucy, car celle-ci était douce et humble, et elle parlait toujours de Talbot comme s’il eût été de beaucoup trop brillant, trop noble pour elle, à la grande satisfaction de la vanité maternelle de la noble dame.

— Elle a pour vous une véritable affection, Talbot, — disait lady Bulstrode, — et jeune comme elle est, elle promet de devenir une excellente femme, bien plus convenable pour vous que ne l’eût jamais été sa cousine.

Talbot se tourna fièrement, vers sa mère, à la très-grande surprise de celle-ci.

— Mêlerez-vous sans cesse le nom d’Aurora à mon mariage, ma mère ? — dit-il. — Ne pouvez-vous donc pas laisser son souvenir tranquille ? Vous nous avez séparés à jamais… vous et Constance… n’est-ce pas assez ? Elle est mariée, elle et son mari font un couple parfaitement heureux. On pourrait épouser une femme qui ne valût pas Mme Mellish, je vous l’assure ; et John semble apprécier sa valeur à sa manière.

— Ne vous emportez pas, Talbot, c’est inutile, — dit lady Bulstrode, avec le ton de la dignité offensée ; — je suis aise d’apprendre que Mlle Floyd a changé depuis qu’elle a quitté la pension, et j’espère qu’elle continuera à être bonne épouse, — ajouta-t-elle avec une emphase qui disait parfaitement qu’elle n’avait pas grand espoir en la continuation du bonheur de Mellish.

— Ma pauvre mère est fâchée contre moi, — pensait Taibot, tandis que lady Bulstrode quittait l’appartement. — Je suis un ours abominable, je le sais, et personne ne m’aimera jamais sincèrement tant que je vivrai. Ma pauvre pe-