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AURORA FLOYD

face de ses anciens admirateurs, fussent-ils assez nombreux pour former un régiment ; et même l’idée de venger Aurora sur la personne de ce craintif amant lui causait plutôt du plaisir. Talbot regardait involontairement la brigade des constables d’York sur le champ de course situé à ses pieds, en se demandant comment ces gens-là agiraient s’il jetait Mellish par-dessus le balcon de pierre et commettait un meurtre séance tenante. Telle était sa pensée au moment où John lui démanchait la main à force de la lui serrer dans une étreinte cordiale, et lui demandait quel bon hasard l’avait amené aux courses du printemps d’York.

Talbot expliqua en balbutiant quelque peu, que, se trouvant fatigué par ses travaux parlementaires, il était venu passer quelques jours avec un vieux compagnon d’armes, le Capitaine Hunter, qui possédait une maison de campagne entre York et Leeds.

Mellish répondit que rien ne pouvait être plus heureux que cela. Il connaissait bien Hunter ; il fallait que tous les deux vinssent dîner ce jour-là chez lui, et que Talbot passât une semaine à Mellish Park, quand il quitterait la maison du Capitaine.

Talbot murmura quelque vague protestation pour faire valoir l’impossibilité de satisfaire à cette invitation ; mais John n’y prêta pas la moindre attention, et entraîna son rival d’auprès des dames, dans son empressement à retourner dans le cercle des paris, où il avait à achever son carnet pour la prochaine course.

Ainsi Bulstrode s’était éloigné encore une fois, et durant toute cette courte entrevue personne n’avait pris soin d’observer Lucy, qui avait passé tour à tour du pâle au rouge une demi-douzaine de fois pendant les dix dernières minutes.

John et Talbot revinrent après la course avec le Capitaine Hunter, que l’on fit monter sur la plate-forme pour être présenté à Aurora, et qui entra immédiatement dans une discussion fort animée sur les courses de la journée. Comme Bulstrode abhorrait ce futile bavardage à propos de chevaux, ce jargon perpétuel, le même dans toutes les bou-