Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome I.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
AURORA FLOYD

étalée pour lui devant le foyer du salon, et il passait la fin de ses jours dans un repos luxueux, se chauffant à la chaleur du feu ou aux rayons du soleil près des fenêtres, selon qu’il plaisait à son royal caprice ; mais, tout invalide qu’il fût, il était toujours capable de se traîner à la suite de Mme Mellish lorsqu’elle se promenait sur la pelouse ou parmi les taillis d’arbrisseaux qui bordaient les jardins.

Un jour qu’elle était revenue de sa promenade équestre du matin, avec John et avec son père, qui les accompagnait quelquefois sur un poney gris tranquille, et qu’on aurait pris pour un homme bien plus jeune à le voir se livrer à cet exercice, elle flânait sur la pelouse, ayant encore son costume d’amazone, après qu’on eut reconduit les chevaux à l’écurie, et que Mellish et son beau-père fussent rentrés dans la maison. Le gros chien la vit de la fenêtre du salon et se traîna dehors pour venir au-devant d’elle. Tentée par la douceur de l’atmosphère, elle rôda de côté et d’autre, la jupe de son amazone ramassée en un paquet sous son bras et sa cravache à la main, et elle se mit à chercher des primevères sous les touffes d’arbres disséminées sur la pelouse. Après avoir cueilli un bouquet de fleurs sauvages, elle allait rentrer à la maison, lorsqu’elle se souvint de quelques instructions qu’elle avait oublié de donner à son groom, concernant un poney favori qui était malade.

Elle traversa la cour des écuries, suivie de Bow-wow, trouva le groom, lui donna ses ordres, et se disposa à retourner aux jardins. Pendant qu’elle parlait au groom, elle avait reconnu la figure blême d’Hargraves à une des fenêtres de la sellerie. Il sortit comme elle donnait ses instructions, pour porter un harnais à une remise située de l’autre côté de la cour. Aurora était sur le seuil de la porte qui ouvrait sur les jardins, lorsqu’elle fut arrêtée par un hurlement douloureux de Bow-wow. Prompte comme l’éclair, elle se retourna pour s’assurer de la cause de ce cri. Hargraves avait repoussé loin de lui le malheureux animal, en lui donnant un coup de pied avec son sabot ferré. La cruauté envers les animaux était un des défauts de l’idiot. Il n’était pas cruel envers les chevaux, car il avait encore