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AURORA FLOYD

fille du banquier. Les entraîneurs, les grooms et les garçons d’écurie haussaient les épaules, et crachaient dédaigneusement des brins de paille sur le pavé de la cour des écuries, lorsqu’ils entendaient le retentissement des outils des tailleurs de pierres et des vitriers occupés à la façade des appartements restaurés. Les écuries ne seraient plus rien maintenant, supposaient-ils, et M. Mellish serait toujours pendu au cordon du tablier de sa femme. Ce fut un soulagement pour eux d’apprendre que Mme Mellish était passionnée pour l’équitation et la chasse, et qu’en temps et lieu elle prendrait le goût des courses de chevaux, comme étant la récréation légitime d’une femme de son rang et de sa fortune.

Les cloches de l’église du village sonnèrent à toute volée un joyeux carillon, lorsque la voiture à quatre chevaux qui était allée à Doncastre, au-devant de John et de son épouse, franchit les grilles de Mellish Park et enfila la longue avenue qui menait au portail demi-gothique et demi-roman de la grande porte. De robustes gosiers campagnards poussèrent de sonores hourras, en signe de bienvenue, au moment où Aurora descendit de voiture, passa sous le porche, et entra dans le vieux vestibule décoré en bois de chêne, qui avait été tendu de verdure et orné de devises faites avec des fleurs, au milieu desquelles figuraient la légende : Velcometo Melish ! et autres inscriptions affectueuses du même genre, plus remarquables par leur signification bienveillante que par la rigueur de leur orthographe. Les domestiques furent ravis du choix de leur maître. Aurora était d’une beauté si éblouissante, que ces simples êtres l’accueillirent comme la lumière du soleil et ressentirent, au rayonnement de ces charmes, une douce chaleur que la perfection la plus régulière n’aurait jamais pu inspirer. En effet, un profil grec eût été sans influence sur les domestiques, dont le goût peu cultivé était plus disposé à reconnaître la richesse du teint que la pureté des formes. Ils ne pouvaient s’empêcher d’admirer les yeux d’Aurora, qu’ils déclarèrent à l’unanimité être de véritables brillants, la blancheur éclatante de ses dents, qui étincelaient entre deux lèvres du plus bel incarnat, la vive rougeur qui animait sa