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AURORA FLOYD

comme un esclave qui ne vivait que pour obéir à ses ordres ; et Aurora acceptait son dévouement avec la grâce d’une sultane, ce qui lui allait à ravir. Elle se remit à visiter les écuries de son père, et inspecta ses chevaux pour la première fois depuis qu’elle avait quitté Felden pour la pension de Paris. Elle se remit à chevaucher par la campagne, portant un chapeau qui provoqua de nombreuses critiques, un chapeau qui n’était autre que celui généralement adopté aujourd’hui, mais qui était une mode tout à fait nouvelle en l’automne de 1858. Elle parut enfin reprendre sa première jeunesse. On eût presque dit que les deux ans et demi pendant lesquels elle avait quitté la maison paternelle et y était revenue, avait rencontré Bulstrode et s’en était séparée, avaient été effacés de sa vie, laissant son enjouement aussi frais et aussi brillant qu’il était avant l’entrevue orageuse qui avait eu lieu dans le cabinet de son père, au mois de juin 1856.

Les familles du comté vinrent au mariage à l’église de Beckenham, et furent obligées d’avouer que Mlle Floyd était merveilleusement belle avec sa couronne virginale de fleurs d’oranger et son grand voile de Malines ; elle avait fortement insisté pour se marier en chapeau ; mais il avait fallu céder à la décision suprême de ses cousines. Gunter fut chargé des approvisionnements du repas de noce, et, pour diriger les apprêts, il envoya à Felden un homme qui avait une mise et un extérieur plus superbes et plus magnifiques que ceux d’aucun des invités du Kent. Pendant toute la matinée de ce fameux jour, John ne fit que rire et pleurer tour à tour. Dieu sait combien il donna de poignées de main à Floyd ; il emmenait le banquier dans des coins solitaires, et lui jurait, ses grosses joues inondées de larmes, d’être un bon mari pour la fille du vieillard. De sorte que ce dut être un soulagement pour le vieil Écossais de voir Aurora descendre l’escalier en laissant traîner sur le parquet sa robe de moire antique violette, entourée de ses demoiselles d’honneur, pour venir prendre congé de son cher père, avant que les coursiers qui se cabraient eussent emporté M. et Mme Mellish au plus prosaïque des relais