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AURORA FLOYD

CHAPITRE XI

Au château d’Arques.

Après cette entrevue avec Floyd, Mellish se mit tout à fait à son aise dans la petite société de Leamington. Personne n’aurait pu être plus tendre, plus respectueux, plus infatigable, et plus dévoué pour le vieillard affligé. Il eût fallu qu’Archibald fût moins qu’humain pour ne pas répondre de quelque façon à ce dévouement. Aussi doit-on peu s’étonner qu’il s’attachât très-vivement à l’adorateur de sa fille. Si Mellish eût été le disciple le plus astucieux de Machiavel, au lieu d’être le plus franc et le plus candide des êtres, je ne pense pas qu’il eût pu adopter un plus sûr moyen de se créer des droits à la reconnaissance d’Aurora que l’affection qu’il témoignait à son père. Et cette affection était d’aussi bon aloi que toute autre chose émanant de cette nature ingénue. Comment pouvait-il faire autrement que d’aimer le père d’Aurora ? C’était son père. Il avait un titre souverain au dévouement de l’homme qui l’aimait, elle ; qui l’aimait, comme John, sans réserve, sans douter de rien, en véritable enfant ; de l’amour aveugle, confiant, que l’enfant ressent pour sa mère. Il peut exister des femmes meilleures que cette mère ; mais qui le fera croire à l’enfant ?

Mellish ne pouvait discuter en lui-même sa passion, ainsi que Bulstrode l’avait fait. Il ne pouvait se séparer de son amour, ni raisonner avec son extravagante folie. Comment pouvait-il se détacher de ce qui était lui-même, plus que lui-même, un autre lui-même plus divin ? Il ne faisait aucune question sur la vie passée de la femme qu’il aimait. Il ne cherchait jamais à connaître le secret du départ de Talbot de Felden. Il la voyait belle, séduisante, parfaite, et l’accep-