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AURORA FLOYD

s’écouler quelque temps avant que la cloche sonnât ; mais il voulait, se dit-il, s’habiller de bonne heure, de façon à être sûr de se trouver au salon quand Aurora descendrait.

Il ne prit pas de lumière avec lui, car il y avait toujours deux bougies sur la cheminée de sa chambre.

Il faisait presque nuit dans cette jolie pièce, car le feu venait de cesser et il n’y avait pas de flamme ; mais il put distinguer un objet blanc sur le tapis vert de sa table à écrire. Cet objet blanc était une lettre. Il remua la masse de charbon qui était dans la grille du foyer, et une flamme brillante s’éleva en vacillant dans l’âtre et éclaira toute la chambre. Il prit la lettre d’une main, tandis que de l’autre il alluma une des bougies qui étaient sur la cheminée. C’était une lettre de sa mère. Aurora lui avait dit qu’il en recevrait une. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Les fleurs riantes et les joyeux oiseaux des tentures des murailles tournoyèrent autour de lui au moment où il déchira l’enveloppe. Je crois fermement que nous avons la prescience presque surnaturelle de l’approche de tous les malheurs qui nous menacent, un instinct prophétique qui nous fait deviner que telle lettre ou tel messager apporte de mauvaises nouvelles. Bulstrode eut ce pressentiment lorsqu’il déploya le papier dans ses mains. L’horrible inquiétude se dressait devant lui ; une ombre, le visage voilé, se dessinait à ses yeux, vague, et indéterminée comme un spectre ; mais, quoi qu’il en soit, elle était là, présente.

Mon cher Talbot,

Je sais que la lettre que je vais écrire vous affligera et vous troublera ; mais mon devoir ne m’en est pas moins nettement tracé. Je crains que votre cœur ne soit sérieusement pris dans votre engagement actuel avec Mlle Floyd.

Les mauvaises nouvelles concernaient donc Aurora. L’ombre funèbre soulevait lentement son sombre voile, et derrière lui apparaissait le visage de celle qu’il aimait le plus sur la terre.