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AURORA FLOYD

CHAPITRE IX

Comment Bulstrode passa son jour de Noël

Il n’y eut plus de bonheur ce jour-là pour Bulstrode. Il erra de chambre en chambre jusqu’à ce qu’il fût aussi fatigué de cet exercice que la jeune femme, dans le Château-Fantôme de Lewis ; il rôdait en désespéré de côté et d’autre, espérant rencontrer Aurora, tantôt dans la salle de billard, tantôt dans le salon. Il flânait dans le vestibule, sous le futile prétexte de regarder les baromètres et les thermomètres, mais afin d’écouter si la chambre d’Aurora s’ouvrait ou se fermait. Cette après-midi-là, il sembla à Talbot que toutes les portes de Felden ne faisaient que s’ouvrir et se fermer.

Il n’avait aucun prétexte pour passer devant les portes de l’appartement de Mlle Floyd, car le sien était situé à l’angle opposé de la maison ; mais il se traînait sur le grand escalier, regardant les papiers peints qui tapissaient les murs, sans rien voir. Il avait espéré qu’Aurora paraîtrait au lunch ; mais ce repas se passa tristement sans elle, et les rires joyeux et la conversation divertissante de la famille réunie retentirent aux oreilles de Talbot comme l’écho d’un bruit éloigné venant d’un vaste océan de doute et de confusion.

Il passa l’après-midi dans ce malaise, sans que personne fît attention à lui, hormis Lucy, qui l’observait furtivement de sa place, lorsqu’il ne faisait qu’aller et venir dans le salon. Ah ! combien d’hommes sont fixés par des yeux aimants, dont ils ne voient jamais la lumière ! Combien d’hommes sont l’objet des tendres soins d’un cœur dont ils n’apprennent jamais le secret ! Un peu après la tombée de la nuit, Talbot alla dans sa chambre pour s’habiller. Il devait encore