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AURORA FLOYD

la vue des imposants membres du nouveau cercle dans lequel elle se trouvait.

Si elle se fût débonnairement soumise aux nombreuses humiliations que ces provinciaux étaient prêts à lui faire subir ; si elle eût recherché leur protection et si elle se fût laissé tancer par eux ; peut-être avec le temps lui auraient-ils pardonné. Mais elle ne fit rien de tout cela. Si on venait la voir, c’était fort bien ; elle était franchement et complétement charmée de recevoir des visites. On pouvait la trouver les mains couvertes de gants de jardinage, les cheveux sans apprêt, portant un arrosoir, occupée dans ses serres, et elle vous accueillait avec autant de sérénité que si elle fût née dans un palais et accoutumée depuis sa plus tendre enfance à recevoir des hommages. On avait beau être d’une politesse aussi froide que possible, elle était toujours affable, franche, gaie et bonne. Elle aimait à parler sans cesse de son « cher vieil Archy, » comme elle se permettait d’appeler celui qui était en même temps son bienfaiteur et son mari ; ou bien elle montrait à ses hôtes quelque nouveau tableau qu’il avait acheté, et elle osait, l’impudente, l’ignorante, la prétentieuse créature ! parler d’art, comme si tout le jargon ronflant sous lequel ils essayaient de l’écraser lui eût été aussi familier qu’à un membre de l’Académie royale. Quand l’étiquette exigeait qu’elle rendît ses visites de cérémonie, elle avait l’audace de se rendre chez ses voisins dans un petit panier traîné par un seul poney à tous crins, car cette femme artificieuse avait le tort d’affecter de la simplicité dans ses goûts, et de ne point faire d’étalage. La grandeur qui l’entourait était pour elle chose toute naturelle ; elle causait et riait avec sa verve théâtrale, à la grande admiration des jeunes gens assez aveugles pour ne pas voir les charmes de race de celles qui la dénigraient, mais qui ne se lassaient jamais de vanter les manières aimables et les yeux superbes de Mme Floyd.

Je serais curieux de savoir si la pauvre Éliza connaissait la totalité ou même la moitié des méchancetés qu’on débitait sur son compte. Je soupçonne fort qu’elle chercha d’une façon ou d’une autre à être mise au courant de tout,