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autant d’assurance que s’ils étoient instruits des secrettes particularités. Ils prétendent connoître le fameux enchanteur qui protége ce chevalier errant ; ils sçavent d’où lui viennent les secours qu’il a eus ; ils font le détail de ceux qu’il doit encore avoir. Mais après les avoir oui parler pendant long-tems, lorsqu’on vient à réfléchir sur leurs discours, on voit que leurs foibles conjectures s’évanouissent & ne peuvent soutenir la voie de l’examen.

Si l’on considère Théodore comme un aventurier ; si l’on croit de lui ce qu’en débitent les Génois, son arrivée en Corse est quelque chose d’aussi extraordinaire que la haute élévation de Tamerlan, que quelques auteurs Arabes ont prétendu être fils d’un pâtre.

Il est même beaucoup moins surprenant qu’un simple soldat Tartare devienne le maître & le chef de sa nation, qu’il ne l’est de voir un particulier, un homme ordinaire, se faire déclarer roi au milieu de l’Europe, à la vûe d’un grand nombre de princes, jaloux de la grandeur & de la majesté de leur rang, qui seroit ravalée si un aventurier reconnu pour tel, devenoit leur égal. Car enfin, si par hazard les Génois venoient à être chassés entiérement de l’isle de Corse, & que Théodore