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qu’il ne put sortir lorsqu’un accident lui survint, qui demandoit qu’il fût hors de-là ; car une nécessité naturelle le pressoit beaucoup. Il n’en fut point le maître, & il se vit peu après en danger de mort, vû que la mauvaise odeur qui se répandoit autour de lui, fit connoître son aventure. Il se tira de ce mauvais pas, en faisant entendre, qu’ayant été constipé depuis long-tems, il étoit venu se recommander à Mahomet, & qu’aussi-tôt il avoit été soulagé. Là-dessus on prit ses chausses, on les pendit à la mosquée, & l’on cria : miracle ! miracle ! ……Voilà comment la moitié du monde se moque de l’autre : car sans doute les mahométans n’ignorent pas tout ce qui se dit de ridicule touchant les moines ; & s’il étoit vrai qu’ils n’en sçussent rien, on ne laisseroit pas de pouvoir croire raisonnablement, qu’ils font courir des mensonges & des fables impertinentes contre les sectes chrétiennes. S’ils sçavoient le conte du bénédictin Flamand, ils diroient peut-être : « Ces bons forgerons de miracles nous en fabriquent de bien grossiers ! Ce n’est pas qu’ils n’en sçachent inventer de bien subtils ; mais il les gardent pour eux : ils boivent le vin & nous envoient la lie. »