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gèbre établit entre les nombres fournis par des problèmes différents est une analogie de structure. Imaginons, par exemple, que deux questions fassent intervenir chacune, une quantité définie comme produit d’une somme de deux nombres par le carré d’un troisième : l’algèbre notera cette ressemblance en écrivant les deux quantités sous la même forme (a + b) × c² ou (a + b).c², et elle ne se préoccupera pas de savoir si les valeurs des nombres a, bc diffèrent d’une quantité à l’autre.

Les combinaisons et transformations de formules donnent lieu à un certain nombre de préceptes bien déterminés dont l’ensemble constitue l’Algèbre. L’Algèbre, en effet, est essentiellement une Règle, (Regula disaient les algébristes de la Renaissance, Ars certis legibus et præceptis contenta, dit un commentateur de Descartes)[1].

Ajoutons que, comme nous l’avons dit plus haut, les règles de l’algèbre visent à devenir mécaniques, c’est-à-dire applicables par tous et toujours, sans intervention de l’intelligence. C’est pourquoi Descartes se croit autorisé à nous donner les préceptes de son algèbre sous formes de commandements, sans les expliquer, sans nous demander de refaire l’effort intellectuel qu’il a lui-même accompli une fois pour toutes et pour tous les hommes : « L’addition, dit-il[2], se fait par le signe +… Comme pour ajouter a à b j’écris a + b. La soustraction se fait par le signe −. Comme pour soustraire a de b, j’écris ba, etc. ».

Il ne faut toutefois pas conclure de là que l’algèbre soit

  1. Érasme Bartholin dans son Épître dédicatoire de l’édition latine de la Géométrie (cf. infra, p. 95).
  2. Calcul de Monsieur Descartes, Œuv. de Descartes, t. IX (voir plus bas, page 96). — Cf. le Cours mathématique d’Herigone cité ci-dessus.