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naisons d’opérations. Il conviendra, en outre, de nous mettre en mesure d’effectuer à première demande les transformations utiles, en en définissant le mécanisme par des formules immédiatement applicables.

Les premiers principes de l’Arithmétique nous fournissent déjà, directement, de telles formules de transformation : celles, par exemple, qui expriment les propriétés des opérations fondamentales. Ainsi les égalités a + b = b + a, a × b = b × a, etc., définissent des transformations qui restent légitimes quelles que soient les valeurs numériques figurées par les lettres a, b, c [la combinaison a + b est toujours équivalente à la combinaison b + a, la combinaison a × b à la combinaison b × a, etc.]. En associant ces égalités nous obtiendrons de nouvelles transformations s’exprimant par autant de formules que l’on appelle « formules algébriques ».

Ces premières « formules » — premières en simplicité, non en date, car on n’éprouva point tout de suite le besoin de les écrire explicitement — ces premières formules mettent en évidence les caractères fondamentaux que nous retrouvons dans toutes les autres. Ainsi les formules de l’algèbre devront porter de préférence sur des symboles qualitativement indéterminés tels que les lettres de l’alphabet[1], et c’est ainsi qu’elles fourniront à l’avance des règles invariables, applicables à une infinité de questions : autant de valeurs différentes on donne aux lettres, autant l’on a de problèmes pour lesquels vaudra la même règle. Autre caractère fondamental : l’analogie que l’al-

  1. Voir, cependant, infra, p. 88, note 3. Ce fut Viète qui, en établissant une distinction systématique entre la logistica numerosa (calcul numérique} et la logistica speciosa (calcul portant sur des lettres), constitua l’algèbre moderne en science autonome. [Cf. le Cours mathématique d’Herigone, t. II, 1635 où les deux algèbres sont appelés algèbre nombreuse et algèbre spécieuse].