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Khwarizmy composa au ixe siècle un traité qui eut une fortune remarquable : l’Al’djebr ou’al moukabalah. Ce titre est le nom d’une technique ou méthode de calcul pratiquée par les Arabes. Deux opérations fondamentales, effectuées l’une et l’autre sur les sommes de nombres relatifs[1], la caractérisent ; la djebr, qui fait passer d’un membre d’une égalité dans l’autre tous les termes affectés (précédés) du signe −, de manière à ne laisser subsister dans chaque membre que des termes affectés du signe +, la moukabalah ou réduction des termes semblables.

L’al’djebr ou al moukabalah est devenue l’algèbre et le nom d’Al-Khwarizmy, transformé en algorithme, s’est perpétué comme nom commun. Ainsi, à défaut d’autres témoignages, les mots suffiraient à attester la participation de l’Orient à la formation du calcul algébrique.

Dans quelles circonstances, cependant, ce calcul est-il né, et quel était le but que lui assignaient ses adeptes ? On sait que les Arabes avaient hérité des méthodes des calculateurs hindous. Ils ont, d’autre part, largement mis à profit les écrits mathématiques des Grecs. En fait, c’est la rencontre de deux traditions différentes qui a donné naissance au calcul algébrique arabe. Et lorsque plus tard en Occident[2], l’algèbre prit sa figure définitive, ce fut encore le rapprochement des méthodes orientales et des connaissances tirées de l’étude directe

  1. Nombres positifs ou négatifs.
  2. Dans la préface de son traité d’algèbre (Liber Abbaci compositus a Leonardo filio Bonacci Pisano in anno 1202), Léonard de Pise, qui fut l’un des premiers à répandre les méthodes algébriques en Occident, nous avertit qu’il s’est instruit à la double école de l’Inde et de la Grèce. « Quare — dit-il, amplectens strictius ipsum modum Indorum et attentius studens ex eo, ex proprio sensu quædam addens et quædam etiam ex subtilitatibus Euclidis geometriæ artis apponens, summam ejus libri… componere laboravi ».