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des règles parallèles, mais distinctes. Et c’est Descartes qui, dans sa Géométrie de 1637, affirme le premier, sans restriction, l’identité de ces deux sciences.

« Et comme toute l’arithmétique, — dit Descartes[1] dans un langage précis et définitif, — n’est composée que de quatre opérations, qui sont l’addition, la soustraction, la multiplication, la division, et l’extraction des racines qu’on peut prendre pour une espèce de division, ainsi n’a-t-on autre chose à faire, en géométrie, touchant les lignes qu’on cherche, pour les préparer à être connues, que leur en ajouter d’autres, ou en ôter ; ou bien, en ayant une que je nommerai l’unité pour la rapporter d’autant mieux aux nombres et qui peut ordinairement être prise à discrétion, puis en ayant encore deux autres, en trouver une quatrième qui soit à l’une de ces deux comme l’autre est à l’unité, ce qui est le même que la multiplication ; ou bien en trouver une quatrième qui soit à l’une de ces deux comme l’unité est à l’autre, ce qui est le même que la division ; ou, enfin, trouver une ou deux ou plusieurs moyennes proportionnelles entre l’unité et quelque autre ligne, ce qui est le même que tirer la racine carrée ou cubique, etc. Et je ne craindrai pas d’introduire ces termes d’arithmétique en la géométrie afin de me rendre plus intelligible ».


C’est, comme on voit, en écartant délibérément les conceptions restrictives et les scrupules inhérents à la science grecque que les mathématiciens du 17e siècle se sont ouvert la voie du progrès. Et cette circonstance nous explique pourquoi Descartes s’exprimait en termes sévères sur le compte de l’œuvre mathématique des

  1. La Géométrie, liv. I.