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aux mêmes calculs, se laissent combiner suivant les mêmes règles, purement quantitatives.

Considérons, par exemple, un angle. Un angle est une figure, mais c’est également une grandeur qui possède les principaux caractères des quantités numériques. Ainsi, deux angles peuvent être égaux ; étant donné deux angles inégaux, l’un est nécessairement plus grand que l’autre ; on peut faire la somme ou la différence de deux angles ; on peut multiplier un angle par un nombre, on peut partager un angle en deux, trois, … parties égales, c’est-à-dire le diviser par 2, 3, etc… et ainsi de suite. Ces divers caractères d’ailleurs, nous pouvons les poser a priori, sans avoir besoin d’effectuer les diverses opérations dont ils expriment la possibilité. En d’autres termes, ils ne résultent pas, pour nous, de constructions géométriques, mais ils rendent, au contraire, ces constructions inutiles, car ils nous font connaître que l’algèbre est applicable aux grandeurs dont il s’agit et que l’on peut, par conséquent, remplacer par des calculs numériques les opérations géométriques auxquelles elles donnent lieu. Voilà, du moins, comment ont raisonné plus ou moins consciemment les créateurs de l’algèbre moderne.

Tout autre est le point de vue auquel cherche à se placer le théoricien grec (à partir de l’époque platonicienne, tout au moins) lorsqu’il établit des relations quantitatives entre les figures. À aucun moment il ne fait abstraction de la forme de celles-ci et de leur situation dans l’espace. Mais il ramène toutes les questions à des problèmes de « construction ». S’agit-il, par exemple, de diviser un angle par 2 ? Il prendra sur les deux côtés de l’angle, à partir du sommet deux longueurs égales ; des extrémités de ces longueurs comme centres il décrira deux cercles de même rayon ; enfin il joindra le point d’in-