Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa géométrie, il oubliait de boire et de manger, et négligeait tous les soins de son corps… tant il était transporté hors de lui-même par le plaisir de cette étude et véritablement épris de la fureur des muses ».

Archimède, d’ailleurs, dans des préfaces d’un ton sobre et modeste, se complaît à rattacher ses travaux à ceux des géomètres antérieurs. Sa manière ordinaire, fait observer T. L. Heath[1], consiste à déclarer tout uniment qu’elles sont les découvertes dues à ses prédécesseurs qui lui ont suggéré l’idée d’étendre leurs recherches dans telle ou telle direction. Comme les Platoniciens, il étudie des propriétés qui, dit-il, « appartiennent essentiellement (sont inhérentes) aux figures dont il est question, mais qui n’avaient pas été remarquées par ceux qui ont cultivé la géométrie avant lui »[2].

Archimède distingue nettement de la démonstration logique le contenu objectif des théorèmes, indiquant à plusieurs reprises que ce contenu lui est révélé avant qu’il en ait une connaissance raisonnée. Son idée est manifestement que, pour faire une découverte, on doit partir d’un fait, et chercher ensuite à démontrer ce fait : souvent alors on constatera que le fait est plus évident que l’on ne pensait[3] ; parfois, au contraire, on s’apercevra qu’on était parti d’une hypothèse fausse[4]. Il est vrai qu’Archimède nous a laissé un Traité de la

  1. Heath, The Works of Archimedes, Cambridge, 1897, p. 40.
  2. De la sphère et du cylindre, Œuvres d’Archimède, trad. Peyrard, Paris, 1807, p. 2.
  3. Cf. le traité des hélices, Œuvres, trad. Peyrard, p. 215 : « Car combien y a-t-il de théorèmes en géométrie qui paraissent d’abord ne présenter aucun moyen d’être démontrés et qui dans la suite deviennent évidents ».
  4. Ibid., p. 216.