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beauté de ces corps et prétendu expliquer par eux la genèse de l’univers. Dieu, dit Platon[1], lorsqu’il tira les choses de l’agitation et du pêle-mêle où elles étaient, leur donna la plus grande perfection possible. Il composa donc les éléments, feu, terre, eau, air, au moyen des quatre corps géométriques les plus parfaits : tétraèdre régulier, octaèdre régulier, icosaèdre régulier, cube[2]. « Il nous faut exposer — poursuit-il, comment sont nés ces quatre beaux corps, comment ils diffèrent entre eux, et peuvent, en se dissolvant, s’engendrer réciproquement. Et alors nous n’accorderons à personne qu’on puisse jamais voir des corps plus beaux que ceux-là, dont chacun appartienne à un genre à part. Il me faut donc mettre tous mes soins à constituer harmonieusement ces quatre genres de corps excellents en beauté[3] ».

Sans doute ne faut-il pas prendre à la lettre la cosmogonie du Timée ; mais le choix même des images dont se sert ici Platon nous permet de nous rendre compte de la direction qu’il voulait imprimer à la spéculation géométrique.

Étant admis que le but de l’activité mathématique est l’étude des nombres et des figures, ou des groupes de nombres et de figures, dont la beauté est reconnue ou pressentie, étant entendu que, pour produire une œuvre

  1. Timée. Œuvres de Platon, trad. Cousin, t. XII, p. 160 et suiv.
  2. Polyèdre compris respectivement sous 4, 8 et 20 triangles équilatéraux égaux et sous 6 carrés égaux.
  3. Il y a un cinquième polyèdre régulier, le dodécaèdre (figure comprise sous 12 pentagones équilatéraux égaux). Il restait, dit Platon (Timée), une cinquième combinaison : Dieu s’en servit pour tracer le plan de l’univers.