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leurs diviseurs (relations qui conduisent à la définition des nombres parfaits)[1], l’affinité des nombres amis[2].

Si l’on rapproche d’autre part le monde des nombres arithmétiques de celui des figures géométriques on voit se manifester entre les deux mondes d’intimes et bien remarquables correspondances. Représentant les nombres, à la manière pythagoricienne, par des files de points, on constate, par exemple, que la somme de n nombres consécutifs commençant par 1 est un triangle, que la somme de n nombres impairs consécutifs commençant par 1 est un carré, que la somme des n premiers termes d’une progression arithmétique de raison 3, commençant par 1, est un pentagone ; et ainsi de suite. L’Arithmétique et la Géométrie — ainsi que d’ailleurs la Musique et l’Astronomie — s’entrelacent merveilleusement ; et, en se proposant comme but l’étude de leurs relations, le savant est sûr d’être sur la piste de précieuses découvertes. La foi robuste qu’avaient les géomètres pythagoriciens dans l’harmonieuse unité de la science — signe certain de sa perfection — ne saurait être mieux prouvée que par la stupeur où ils étaient plongés lorsque cette unité se trouvait remise en question. Ainsi la constatation de l’existence de longueurs incommensurables dans les figures les plus simples leur révéla une discordance insoupçonnée entre les notions de nombre et de grandeur géométrique. Or, s’il faut en croire un

  1. Un nombre parfait est un nombre égal à la somme de ses diviseurs ; ainsi 28 = 1 + 2 + 4 + 7 + 14.
  2. Deux nombres amis sont deux nombres dont chacun égale la somme des diviseurs de l’autre ; ainsi 220 et 284 car :
    220 = 1 + 2 + 4 + 71 + 142,
    284 = 1 + 2 + 4 + 5 + 10 + 11 + 20 + 22 + 44 + 55 + 110.