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lement désirable et qui marquent le but de leurs efforts.

La question ainsi formulée serait assez embarrassante si on voulait la traiter en détail en dressant explicitement une liste de problèmes fondamentaux. Mais, considérée d’un point de vue d’ensemble, elle ne paraît comporter qu’une seule réponse : les Grecs ont recherché et cultivé en Mathématiques ce qui est simple, ce qui est beau, ce qui est harmonieux[1].

Il convient, toutefois, de préciser le sens que nous attachons ici à ces mots.

C’est aujourd’hui presqu’un lieu commun de comparer aux jouissances artistiques les satisfactions, les enthousiasmes, que procure si souvent à ses adeptes la science mathématique désintéressée. Il s’en faut cependant que tous ceux qui nous parlent du caractère esthétique des Mathématiques attachent le même sens à cette expression. Pour beaucoup de savants modernes, ainsi que nous le verrons plus loin, ce qui, dans les théories mathématiques, doit surtout exciter l’admiration, c’est l’élégance de la démonstration, c’est l’imprévu de certaines méthodes, ce sont les heureux concours de circonstance qui permettent de ramener à des termes relativement simples tels problèmes en apparence inextricables. Voilà, dit-on souvent, un « beau travail mathématique », indiquant par là qu’autant ou plus que la valeur intrinsèque des questions étudiées, on entend louer l’ingéniosité et la brillante victoire de l’auteur. Tout autre, évidemment, est l’esthétique mathématique des Grecs ; car la beauté, pour le penseur grec, ne peut résider que dans les idées et non dans ce que l’homme ajoute aux idées ; selon lui, une belle propriété d’un

  1. Cf. G. Milhaud, La Géométrie grecque œuvre du génie grec, apud Études sur la pensée scientifique, 1906, p. 40 et suiv.