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du point de vue de son objet et antérieurement au discours.

Nous venons de voir que les objets véritables des spéculations arithmétiques et géométriques sont, d’après Platon, les « idées » de nombre (entier) et de figure géométrique. Ce qu’il faut entendre par nombre entier, cela se comprend de soi, malgré l’impossibilité où nous sommes de donner de cette notion une définition logique satisfaisante. Mais le concept de figure géométrique demande, par contre, à être précisé et délimité.

Reconnaissons d’abord, avec Platon, que ce que nous appelons improprement une « figure » est, en réalité, une entité qui n’a nullement besoin, pour exister, d’être effectivement « figurée ». Les triangles sur lesquels raisonne le géomètre ne sont point ceux que nos sens nous font percevoir. Il n’y a pas, en effet, de triangle matériel qui soit rigoureusement un triangle (c’est-à-dire qui n’ait point d’épaisseur, qui soit parfaitement plan, dont les côtés soient vraiment rectilignes, etc.). Ainsi, lors même que nous nous aidons d’une image physique pour démontrer une propriété du triangle, nous ne devons voir dans cette image qu’un secours accessoire, un mode d’expression analogue à celui que nous offrent les signes de l’écriture : le triangle dont nous voulons, en réalité, parler, est celui qui existe dans notre esprit, et non celui qui est dessiné sur le sable ou sur le papyrus.

Mais, si ce n’est pas en le figurant sous une forme concrète, comment parviendrons-nous à objectiver les notions géométriques, à les placer, en quelque façon, devant les yeux de notre esprit, pour en étudier la com-