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inventions qu’ils s’attribuaient[1]. Cette suspicion, à son tour, fut renversée par les progrès ultérieurs de l’histoire. Depuis Paul Tannery notamment, le caractère franchement original de la mathématique grecque ne paraît plus devoir être mis en doute. Ira-t-on pourtant jusqu’à admettre que celle-ci soit pour ainsi dire sortie du néant, et qu’elle ne doive rien aux méthodes de mesure et de calcul qu’enseignaient les arithméticiens et les géomètres orientaux  ? Paul Tannery[2] et Gaston Milhaud[3] n’étaient pas éloignés, il y a quelque vingt ans, de penser ainsi. Mais d’autres critiques, partant du principe que « rien ne sort de rien », contestent cette manière de voir et se refusent à croire au « miracle grec »[4]. M. Léon Brunschvicg[5], d’autre part,  — raisonnant ici en philosophe plutôt qu’en historien —  voudrait réhabiliter l’œuvre des calculateurs égyptiens, à laquelle, dit-il, les créateurs de la mathématique grecque ont refusé le nom de science parce qu’ils liaient l’idée d’arithmétique au réalisme pythagoricien, mais où déjà, pourtant, l’on peut discerner tous les ressorts

  1. G. Milhaud, Leçons sur les origines de la science grecque, 1893, p. 69 et suiv. Nouvelles études sur la pensée scientifique, 1911, p. 41 et suiv. (F. Alcan).
  2. Cf. A. Rivaud, Paul Tannery, historien de la science grecque, apud Rev. de métaphysique, mars 1913, p. 184.
  3. Cf. notamment, Milhaud, Leçons sur les origines de la science grecque, 1893. Dans ses Nouvelles études sur la pensée scientifique, publiées en 1911, Gaston Milhaud, tenant compte de travaux récents sur la géométrie hindoue, a légèrement atténué la thèse qu’il soutenait en 1893.
  4. Cf. É. Picard, La science moderne et son état actuel, p. 4. — Cf. également, un article de L.-C. Karpinski, Origines et développement de l’algèbre, apud Scientia, Bologne, 1919, 8.
  5. Cf. L. Brunschvicg, Les étapes de la philosophie mathématique, Chapitre II.