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CHAPITRE PREMIER

LA CONCEPTION HELLÉNIQUE
DES MATHÉMATIQUES[1]

La part qui revient aux peuples de l’Orient dans la formation de la science mathématique a été diversement appréciée par les historiens du xixe siècle. La tradition que nous a léguée l’antiquité n’admettait point que la science grecque eût rien emprunté à ces peuples. Et, jusqu’au milieu du siècle dernier, la critique orientaliste moderne était trop peu avancée dans son œuvre de reconstruction pour pouvoir rien opposer à cette tradition. Lorsque, cependant, l’on commença à mieux connaître la fréquence et l’importance des relations qui existèrent dans tous les domaines entre la Grèce et l’Orient, lorsque l’on put reconstituer quelques-uns des problèmes — déjà très compliqués — que savaient résoudre les mathématiciens de la Chaldée, de l’Égypte, de l’Inde et peut-être de la Chine, on fut tenté de revenir sur l’opinion généralement admise. On s’avisa que, volontairement ou non, les savants grecs avaient fort bien pu exagérer le mérite des

  1. Dans ce chapitre, nous avons spécialement mis à profit les études de Paul Tannery, G. Milhaud, Zeuthen, L. Brunschvicg.