Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des analogies, de discerner des liaisons entre les diverses théories : c’est un « moment solennel », comme le dit justement M. Brunschvicg, que celui où deux domaines de la Mathématique entrent en contact. Mais, quelque intérêt que présentent les rapprochements de ce genre, l’on ne saurait évidemment en faire une condition nécessaire des progrès des mathématiques.

Aussi bien, n’est ce pas dans la qualité objective des résultats obtenus, mais plutôt dans les mérites de la démonstration que semble résider, pour la plupart des mathématiciens de l’école esthétique moderne, la valeur d’une théorie. C’est à la beauté architecturale des formules et des déductions, que le mathématicien artiste est surtout sensible. Encore pénétré des conceptions synthétistes du xviiie siècle, il incline à penser que l’objet de nos recherches est relativement indifférent (comme cela doit être si cet objet emprunte aux définitions et aux démonstrations tout ce qu’il a de réalité). Peu importe donc que l’on étudie tel ou tel problème, qui serait regardé par d’autres, comme artificiel et vain ; seule est à considérer la manière, plus ou moins élégante, par laquelle on vainc les difficultés proposées ; tout le prix d’une théorie est dans le choix et la rigueur des méthodes employées, dans la conduite des discussions, dans les ruses et les habiletés dialectiques de l’auteur.

Le déclin de la conception synthétique des Mathématiques devait nécessairement produire une réaction contre cette manière de voir. Cependant le point de vue esthétique subsista longtemps, sous une forme moins absolue il est vrai, dans une école de mathématiciens que l’on pourrait appeler l’école éclectique.

Les éclectiques auxquels nous faisons allusion ne se proposent pas de construire de vastes théories ; mais ils