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mathématiciens. Par contre d’assez nombreux analystes sont aujourd’hui encore disposés à admettre que la Mathématique pure peut être construite suivant un plan régulier, et que ce plan ne saurait donner lieu à aucune discussion ; c’est, en effet, la logique qui le fournira : il consiste à s’élever progressivement du simple au composé.

Cette conception des mathématiques ne diffère pas, au fond, de celle que nous avons rencontrée chez les algébristes du xviiie siècle, et l’on peut dire qu’elle est désormais jugée. Elle devait néanmoins s’imposer de nouveau à l’attention de ceux des savants de notre temps qui ont poussé le plus loin le souci de la rigueur et de la perfection logique. L’édifice de la science a été entièrement rebâti. Beaucoup de théories, qui paraissaient indépendantes, sont aujourd’hui reliées entre elles et se font suite exactement l’une à l’autre. Le nombre des postulats indémontrables a été de plus en plus restreint. Ne serait-ce point que l’idéal synthétiste finirait, malgré tout, par se réaliser ? L’afflux de notions nouvelles, que l’algèbre, en se développant, leur apportait pêle-mêle, avait, un moment, désorienté les analystes ; mais aujourd’hui, — les notions premières et les règles de la déduction étant mieux connues, — ne va-t-on pas pouvoir rétablir l’ordre dans la production mathématique et en faire vraiment un système de généralisation logique ?

Nous avons suffisamment discuté plus haut cette doctrine pour reconnaître qu’il est impossible de la faire revivre aujourd’hui. Prise à la lettre elle est contredite par les témoignages des savants et par l’examen des œuvres mathématiques les plus importantes de notre époque. Il convient, toutefois, d’observer que l’emploi d’une méthode de généralisation régulière et progressive n’est pas à dédaigner en Analyse. Qu’il s’agisse, par