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points imaginaires ±√−1. Et qui sait si nos points de vue actuels ne disparaîtront pas à leur tour ? L’étude des fonctions transcendantes, par exemple, a été fondée originellement sur la théorie algébrique des polynomes (base du calcul des séries). Mais peut-être une autre théorie, plus souple, plus nuancée, sera-t-elle un jour édifiée qui s’adaptera plus exactement aux faits que nous nous proposons de figurer. À quel moment conviendra-t-il d’abandonner pour un autre le vieux modèle de série convergente auquel nous sommes si habitués et qui nous a rendu tant de services ? Cela, nous ne saurions le décider a priori le bon sens seul doit en être juge.

Et ainsi, sur ce point encore, nous concluons à une similitude entre les Mathématiques et la Physique.


De cette rapide analyse que résulte-t-il ? Nous avons examiné les principaux caractères attribués par Duhem aux théories physiques, et nous avons constaté que ces caractères se retrouvent, pour la plupart, dans les théories mathématiques. Nous concluons de là, que si la théorie physique résulte, comme on le pense généralement, de la combinaison de deux éléments — une forme logique et une matière extralogique —, il doit en être de même de la théorie mathématique. En d’autres termes il est impossible de considérer la Mathématique comme le moule de la théorie physique, car il y a dans cette science même autre chose qu’un moule, il y a un fond objectif qui ne se laisse qu’incomplètement réduire en termes logiques.

Dira-t-on que l’on peut, en Mathématiques, séparer la forme du fond, isoler la méthode pour l’appliquer à l’étude des problèmes de la Physique ? C’était l’idée de la fin du xviiie siècle, celle dont s’est inspiré Auguste