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rience, « elle ne doit plus intervenir que pour vérifier à mesure les divers théorèmes rencontrés ».

Voilà en quels termes s’expriment de nombreux physiciens contemporains. Certes, les mathématiciens ne se plaindront pas du rôle qu’on veut ici leur attribuer. Toutefois, ils inclineront à penser que les physiciens dont nous rapportons les idées emploient le mot « mathématique » dans un sens un peu trop étroit. M. Bouasse semble ne voir dans le travail de l’analyste que le traitement logique d’un sorite. Pareillement Duhem, a maintes reprises, fait des termes logique, abstrait, des synonymes exacts de mathématique. Il déclare que le théoricien n’est tenu d’obéir qu’à la Logique. Et, pour préciser sa pensée, il nous propose comme un modèle de science parfaite la géométrie classique, où il discerne les opérations suivantes[1] : l’abstraction qui fournit les notions de nombre, de ligne, de surface ; l’analyse philosophique qui de ces notions tire les axiomes et les postulats ; enfin la déduction mathématique ou logique « qui s’assure que ces postulats sont compatibles et indépendants, qui patiemment, dans un ordre impeccable, déroule la longue chaîne de théorèmes dont ils sont gros ».

Le type de science logique ainsi défini par Duhem est celui que nous devons toujours, selon lui, chercher à réaliser. Dans un de ses plus brillants chapitres, nous voyons Duhem partir en guerre contre certains physiciens anglais, qui n’écrivent pas une formule sans en chercher immédiatement une représentation matérielle, qui ne peuvent concevoir la science sans une collection compliquée de modèles mécaniques. « Voici, s’indigne Duhem à propos d’un ouvrage de O. Lodge[2], voici

  1. Loc. cit., p. 98.
  2. Ibid., p. 111.

(La note de la dernière ligne a été placée par erreur page suivante. — ElioPrrl (d))