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théorie physique[1] : « C’est un système de propositions mathématiques, déduites d’un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement et aussi exactement que possible, un ensemble de lois expérimentales ». La théorie, ajoute Duhem, doit passer par les stades suivants : en premier lieu, le savant choisit un certain nombre de propriétés physiques simples qui jouent pour lui le rôle de qualités premières et d’hypothèses, c’est-à-dire de définitions et d’axiomes ; puis il combine ensemble ces définitions et ces axiomes suivant les règles de l’Analyse mathématique ; enfin, il traduit les résultats obtenus en un certain nombre de jugements susceptibles d’être confrontés avec l’expérience. Des trois stades ainsi définis, cependant, c’est le second qui a le plus d’ampleur, et, dans ce second stade, la théorie doit être dirigée suivant une méthode et d’après des considérations purement mathématiques.

Sans doute on rencontre des physiciens que leur instinct ou leurs préjugés portent à se méfier de la spéculation a priori. Ceux-ci ne veulent voir dans les mathématiques qu’un langage commode, exprimant, sous une forme brève et facilement maniable, les faits concrets fournis par l’expérience. Ils exigent que la Physique mathématique ne soit, d’un bout à l’autre, qu’une traduction juxtalinéaire de la réalité sensible. Ils demandent donc que toutes les transformations algébriques utilisées par cette science aient un sens phy-

  1. La théorie physique, son objet et sa structure, Paris, Chevalier et Rivière, 1909, p. 26-27. Depuis la publication de cet ouvrage, Duhem paraît avoir quelque peu atténué les thèses qu’il y soutient. Voir en particulier ses articles sur la science allemande (Revue des deux Mondes, 1er février 1919 et Revue du Mois, 10 juin 1919).