Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuvent être discernées sans difficulté, puisque — c’est une idée chère à Descartes — le travail scientifique doit, selon cette conception, être purement mécanique et ne saurait consister dans la découverte ou dans l’analyse des notions. Or, effectivement, nous avons vu que l’intuition est, selon Descartes, essentiellement « facile et distincte » ; ailleurs[1] il dit que les natures simples sont connues, en quelque sorte à l’avance, « par une lumière innée », et il précise[2] : « Il en résulte qu’il ne faut se donner aucune peine pour connaître les natures simples, parce qu’elles sont assez connues par elles-mêmes ». Partant de là, Descartes, dans les Regulæ, aboutit directement à sa théorie de la science[3]. « Toute science humaine consiste seulement à voir distinctement comment les natures simples concourent ensemble à la composition des autres choses ». La science doit combiner les notions connues, non en conquérir de nouvelles, et c’est à tort que « toutes les fois qu’on propose quelque difficulté à examiner, la plupart s’arrêtent sur le seuil, persuadés qu’il leur faut chercher quelque nouvelle espèce d’être qui leur est inconnue ». Sans doute Descartes laisse-t-il entendre — en prenant pour exemple l’étude de l’aimant — que la science synthétique ne nous donne peut-être pas une connaissance parfaite et complète. Mais cette science est la seule qui soit accessible à l’homme. Aussi celui qui la possède « peut-il affirmer hardiment qu’il a découvert la nature véritable de l’aimant autant que l’homme peut la trouver au moyen des expériences données ».


Depuis le temps de Descartes, cependant nos idées

  1. Regulæ, XII, Œuv., t. X, p. 419 et passim.
  2. Regulæ, XII, ibid., p. 425.
  3. Ibid., p. 427.