Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

idées par l’étude des figures mathématiques[1], est en fin de compte, obligé, d’établir une coupure entre ces deux ordres de principes. La véritable science des idées ne serait pas la Mathématique humaine ; ce serait une sorte de méta-mathématique dont la méthode serait purement intuitive[2]. Cette dernière conséquence, cependant, était trop contraire aux tendances des mathématiciens hellènes pour pouvoir s’imposer à leur esprit. Aussi la métaphysique platonicienne — privée lorsqu’elle approfondit la théorie des idées, du soutien que lui avait donné jusque là la science positive — s’obscurcit, s’égare, et tombe finalement dans la contradiction. C’est là un point que M. Brunschvicg a mis en lumière dans son récent ouvrage sur Les étapes de la philosophie mathématique. Mais M. Brunschvicg paraît penser que, pour échapper aux difficultés qui ont arrêté le Platonisme, il suffirait de ramener la philosophie à l’étude des principes rigoureusement déterminés de la science : en ce cas, la dualité des nombres et des idées, qu’en s’engageant dans une fausse voie on allait être obligé d’accentuer de plus en plus, — cesserait d’avoir une raison d’être. Nous ne saurions, quant à nous, souscrire à cette conclusion ; car pour n’être pas exactement celui qu’envisage Platon, le dualisme, dans la science mathématique, n’en est pas moins à nos yeux un fait positif, qu’il s’agit d’expliquer et non de supprimer.

Abandonnée pendant de longs siècles, la doctrine intuitioniste renaît et se modernise dans la philosophie de Descartes.

Circonstance remarquable, en effet, c’est chez Descartes, principal promoteur en son temps de la Mathématique

  1. Cf. G. Milhaud, Les Philosophes Géomètres de la Grèce, passim.
  2. Cf. Chapitre premier, p. 64.