Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une réalité réfractaire. Afin de rendre compte de cette résistance opposée par la matière mathématique à la volonté du savant, nous sommes obligés de supposer l’existence de faits mathématiques indépendants de la construction scientifique ; nous sommes forcés d’attribuer une objectivité véritable aux notions mathématiques : objectivité que nous appellerons intrinsèque pour indiquer qu’elle ne se confond pas avec l’objectivité relative à la connaissance expérimentale.

Quel sens métaphysique convient-il d’attribuer, en Mathématique pure, à ce mot « objectivité » ainsi qu’aux termes réalité, matière, existence ? C’est là une question à laquelle le mathématicien n’est pas tenu de répondre lui-même. Il se borne à exprimer — dans les termes qui lui paraissent répondre le mieux à l’état de la science mathématique — le résultat des constatations et des réflexions auxquelles le conduit l’exercice de cette science.

Essayons donc de dégager, en résumant et groupant des remarques déjà faites, les caractères mathématiques des faits et notions étudiés par les géomètres et par les analystes de notre époque.


Le fait mathématique est indépendant du vêtement logique ou algébrique sous lequel nous cherchons à le représenter : en effet l’idée que nous en avons est plus riche et plus pleine que toutes les définitions que nous en pouvons donner, que toutes les formes ou combinaisons de signes ou de propositions par lesquelles il nous est possible de l’exprimer. L’expression d’un fait mathématique est arbitraire, conventionnelle. Par contre, le fait lui-même, c’est-à-dire la vérité qu’il contient, s’impose à notre esprit en dehors de toute convention. Ainsi l’on ne pourrait pas rendre compte du développe-