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à l’idéal de l’école algébriste et synthéthiste). Mais, d’autre part, les faits dont la Mathématique poursuit aujourd’hui l’étude paraissent dépendre de conditions autres que celles de la démonstration. Non seulement ces faits ne résultent pas des combinaisons algébriques, mais on dirait qu’ils sont, en quelque manière, réfractaires à l’algèbre et ne se laissent qu’imparfaitement enfermer dans les formules de celle-ci. Les progrès réalisés par l’Analyse semblent ne pouvoir être acquis qu’au prix d’une lutte dont la marche est incertaine et l’issue toujours douteuse.


II. — L’objectivité des faits mathématiques.

Pour expliquer le caractère et les tendances des Mathématiques contemporaines, nous avons été amenés à employer certaines expressions, dont nous nous étions déjà servis lorsque nous considérions les Mathématiques grecques, mais qu’en étudiant la période algébrique de la science, nous avions le plus possible évitées. Nous avons parlé de notions ou d’objets mathématiques, de faits mathématiques. Expressions commodes, mais ambiguës. Ne doit-on leur attribuer qu’une valeur métaphorique, ou peut-être, au contraire, en se plaçant au point de vue de la science actuelle, leur donner une signification presque et positive ?

Quoi que l’on pense de cette question, il est un point qui, en tout cas, nous paraît acquis. C’est que, s’il y a sous les formules et les déductions mathématiques des notions objectives, ces notions ne sont pas d’origine empirique. On remarquera que nous n’avons fait aucune allusion, dans le cours de cet ouvrage, aux doctrines qui, pour des motifs et avec des arguments divers, ont