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problème ainsi posé est moulé sur la forme dans laquelle s’opère la composition algébrique. On se propose d’étudier, entre toutes les courbes, celles qui correspondent à des équations polynomales et on les envisage dans l’ordre même suivant lequel les équations correspondantes procèdent les unes des autres. — Semblablement, lorsque l’on définit la fonction analytique transcendante comme la somme d’une série convergente, on vise à constituer une théorie où objet et instrument de démonstration se fondront l’un dans l’autre, puisque l’on donne comme but au calcul des séries l’étude des propriétés mêmes de ces expressions.

Si nous nous tournons maintenant vers la science contemporaine, que voyons-nous ? L’harmonie dont nous venons de parler a presque complètement disparu. Lorsqu’on nous propose un problème, il nous est impossible de prévoir quels sont les procédés le plus souvent très indirects qui permettront de le résoudre. Inversement, quelque rompu qu’il soit au mécanisme de son art, le mathématicien ne voit pas toujours clairement quels sont les problèmes auxquels il doit appliquer cet art. De là vient qu’aujourd’hui ce n’est pas nécessairement le même homme qui est, en mathématiques, un inventeur original et un habile technicien ; les qualités qui font de l’un un novateur perspicace, apte à la découverte, et de l’autre un maître de la démonstration, ont cessé, semble-t-il, d’être les mêmes.

En d’autres termes, un dualisme se manifeste au sein des Mathématiques pures. L’appareil démonstratif, d’une part, doit satisfaire à certaines conditions déterminées, et il possède certains caractères propres, qui sont ceux-mêmes que nous avons mis en lumière dans les deux chapitres précédents (car, en ce qui concerne la démonstration, rien n’a été changé par les générations modernes