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tres termes, l’évolution des conceptions scientifiques que nous souhaiterions connaître et comprendre. Or il n’est point de trouvaille historique qui brusquement puisse venir renverser ce qu’une longue série d’études nous a déjà appris sur cette évolution.

Nous appliquerons la même remarque à l’histoire des découvertes considérée spécialement du point de vue national. Le cas de légitime défense étant mis à part, cette histoire nous paraît peu instructive, pour autant du moins qu’elle se borne à cataloguer les inventions revendiquées par chacune des nations civilisées. Il y aurait, cependant, dans le domaine des sciences comme dans les autres, une histoire nationale à écrire, qui ne serait ni illusoire, ni sans portée. Mais ce serait une histoire d’un caractère élevé, qui laisserait de côté le détail technique des découvertes pour ne considérer que l’esprit. Ce qui constitue, en effet, l’individualité scientifique d’un peuple, ce n’est point le concours de circonstances qui lui a valu d’acquérir le premier telle ou telle connaissance, mais ce sont les méthodes de travail en usage chez ce peuple, les habitudes et les tendances des intelligences, le pouvoir de divination plus ou moins développé et orienté dans tel sens particulier, l’idéal enfin que poursuivent ses savants. Plusieurs études intéressantes ont été publiées au cours des dernières années sur la pensée scientifique française considérée à ce point de vue ; mais une histoire complète du développement de cette pensée nous fait encore défaut.