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inextricable, qui ne sauraient trouver place dans une théorie générale. Ces calculs sont l’affaire du praticien. Le théoricien, quant à lui, fera tout son possible pour les éviter, cherchant à prévoir à l’avance les résultats auxquels on serait conduit si on avait la patience de les mener à bout.

Examinons d’ailleurs d’un peu plus près la théorie du prolongement analytique. Il est exact qu’elle nous fournit un moyen d’étudier une fonction analytique quelconque ; mais elle ne nous fournit ce moyen, si l’on peut dire, qu’en puissance ; car, pour représenter complètement y, il faudrait former une infinité de séries convergentes. Or cette circonstance nous met en présence de problèmes d’un ordre nouveau. Comme à l’époque où Newton abordait l’étude des fonctions transcendantes, mais dans des conditions plus délicates, et cette fois inéluctables, la marche régulière de l’analyse se trouve arrêtée.

Jusqu’ici, nous avons fort bien su ce que nous étudiions : c’étaient des expressions algébriques combinaisons de symboles représentant des fonctions soit exactement, soit avec une approximation déterminée, écrites explicitement sur le papier ou au tableau noir. Or voici que maintenant, nous voulons raisonner sur des fonctions que nous ne sommes pas capables d’écrire au tableau. Nous n’en avons qu’un succédané, qu’il faudra tout à l’heure remplacer par un second, puis par un troisième, et ainsi de suite indéfiniment. C’est pourquoi un mathématicien ne considérera pas comme connue la fonction y(x) si son savoir se borne à un moyen de calculer de proche en proche les coefficients des séries (T). Son esprit ne sera satisfait que s’il connaît des propriétés de cette fonction qui soient complètes en elles-mêmes et qu’on puisse embrasser d’un seul coup