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champ de la spéculation mathématique. De même que, pour mettre sur pied une théorie, il nous faut limiter par un choix initial les principes que nous plaçons à la base, de même, pour poursuivre la théorie, nous devons renoncer à l’embrasser tout de suite dans son entier ; nous y distinguons donc des parties que nous étudions séparément, des étapes que nous parcourons successivement. Toutefois, si nous opérons ainsi, c’est toujours en vertu d’un acte volontaire dont nous avons parfaitement conscience. Pour donner aux théories mathématiques une structure solide, nous avons décidé de leur donner la forme de systèmes logiques ; mais, constatant que ces systèmes sont artificiels et peuvent d’ailleurs être diversifiés l’infini, nous comprenons qu’ils ne constituent ni toute la Mathématique, ni le principal de ces science. Derrière la forme logique il y a autre chose. La pensée mathématique ne se borne pas à déduire et à construire ; et, tout en rendant hommage à l’œuvre accomplie par les logiciens du xixe siècle, on est en droit de dire, avec M. Winter[1] : « La logique est fondée, l’ère des difficultés scientifiques commence ».


III. — Les limites de l’Algèbre.

La conception d’après laquelle la Mathématique se réduisait à un système de combinaisons logiques est, nous l’avons vu, une suite naturelle des succès remportés par la méthode algébrique. Or, cette conception, lorsqu’elle fut précisée et exposée au grand jour, ne se trouva plus conforme à l’orientation qu’avait prise l’Analyse au cours du xixe siècle. Celle-ci, pour les raisons

  1. M. Winter, La méthode dans la philosophie des Mathématiques, p. 72.