Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

logique des relations auront un sens parfaitement clair. Mais il n’en est plus de même quand on veut leur faire représenter des nombres variables ? Lorsqu’on applique, par exemple, à deux variables mathématiques l’axiome « toute relation a sa converse », cet axiome devient un postulat qui, dans l’Algèbre la plus générale, se trouverait en défaut : il peut arriver en effet que, tandis qu’à toute valeur de x correspond une valeur de y, certaines valeurs de y n’aient aucun correspondant, ou bien qu’elles en aient une infinité, indéterminés dans le champ de la variable x. Pareillement, le second axiome énoncé plus haut ne sera pas toujours vrai en mathématiques. Ainsi donc, si l’on veut passer de la théorie connue sous le nom de « logique des relations » à la théorie des fonctions mathématiques les plus générâtes, on sera obligé de modifier l’un après l’autre les axiomes d’où l’on part. La seconde théorie ne saurait-elle donc être présentée comme une application, mais tout au plus comme une extension de la première.

Mais serrons la question de plus près. Une fonction d’une variable établit une correspondance entre une infinité de couples de valeurs, x et y, u et v, etc. Peut-on exprimer ce fait en disant que les valeurs u et v sont liées par la même relation[1] que x et y ? Du point de vue logique, une pareille affirmation ne peut être légitime que si on la regarde comme un postulat. Qu’entend-on en effet par le mot même ? Lorsque l’on passe du couple (x, y) au couple (u, v), qu’est-ce qui reste le même ? Si je dis, par exemple, qu’en géométrie analytique il y a une même relation entre les nombres 0 et 1, +1 et e = 2,718…, −∞ et 0, j’énonce une proposition, ou dépourvue de sens, ou purement arbitraire, à

  1. Cf. Couturat, Revue de Métaphysique, janvier, 1904, p. 39.