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II. — Les limites de la logique[1].

La théorie de la science mathématique que nous venons d’esquisser ne fut formulée d’une manière complète que dans les dernières années du xixe siècle. Elle le fut principalement par les soins ou sous l’influence des logiciens qui eurent le mérite de discerner nettement les principes de la méthode algébrique et qui n’hésitèrent pas à accepter toutes les conséquences découlant de ces principes. La plus remarquable des conséquences ainsi admises était que la méthode mathématique, en se rapprochant de l’idéal vers lequel la faisait tendre l’école algébrico-synthétiste, perdait du même coup sa spécificité. Se réduisant à l’application mécanique de certains procédés de combinaison logique, la Mathématique cessait d’être une science distincte pour se fondre dans une logique générale, une sorte de panlogique[2], ayant pour objet l’étude des diverses relations que l’on peut établir formellement entre des concepts abstraits. Et les adeptes de cette panlogique pouvaient soutenir avec apparence de raison que l’étude de leur science devait précéder et primer celle des mathématiques puisqu’elle permettrait de découvrir, sous une forme générale, les lois des combinaisons dont les mathématiciens ne considèrent que des cas particuliers.

  1. Une partie de ce paragraphe a fait l’objet d’une communication au 2e congrès international de philosophie, Genève, 1904. Discussion : Rev. de métaph., juillet, 1905.
  2. Eu égard à l’écriture symbolique dont cette logique fait généralement usage, Louis Couturat et quelques autres logiciens lui ont donné le nom de « logistique ».