Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cipes de combinaison, et même l’écriture symbolique, dont l’usage était autrefois réservée à l’algèbre classique. Ainsi, après de nombreux tâtonnements, les logiciens sont finalement parvenus à constituer une véritable « algèbre de la logique » qui procède du même esprit et emploie les mêmes procédés que l’algèbre mathématique. Dans le cadre de cette nouvelle algèbre entrent, avec la logique des classes, la logique des propositions et aussi la logique dite « des relations », qui étudie les combinaisons de relations logiques quelconques, exactement comme le mathématicien étudie les combinaisons des relations fonctionnelles.

L’algèbre logique ainsi conçue a, ou du moins s’efforce d’avoir, une portée très générale. Si elle réussissait à dépasser le stade élémentaire où elle est actuellement confinée, elle deviendrait à la lettre, suivant la formule de Leibniz, caractéristique universelle. Grâce à l’algèbre logique, en effet, on n’a plus, comme le dit Couturat[1], à faire attention au contenu réel des idées et des propositions ; il suffit de les combiner et de les transformer suivant des « règles algébriques ». Ce serait — si c’était possible — le triomphe du mécanisme intellectuel, la réalisation du rêve de Raimond Lulle.

Malheureusement la science universelle n’a jamais existé jusqu’ici, qu’à l’état de projet. Descartes — on l’a vu — avait prétendu l’instituer, mais il n’a réalisé qu’une faible partie de son programme. Leibniz, bien qu’il eût une idée plus nette du caractère et de la forme symbolique qu’il voulait donner à cette science, renonça lui aussi à son plan et s’adonna, dans le domaine mathématique, à des recherches plus immédiatement utiles. Quant aux logiciens contemporains, leurs travaux ont

  1. La logique de Leibniz, p. 101.