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théories algébriques de l’arithmétique des nombres entiers.

On sait que la tentative faite en ce sens par certains analystes a donné naissance à une doctrine philosophique (soutenue par Renouvier) dans laquelle le nombre est considéré comme la réalité primordiale sur laquelle repose l’édifice mathématique. La conception qui inspire cette doctrine est toutefois restée étrangère aux principaux mathématiciens qui ont fait une étude technique des bases de l’arithmétique (notamment Weierstrass, Cantor, Kronecker, Méray, Jules Tannery). Si certains d’entre eux ont un culte pour le nombre entier, ils ne lui attribuent pas de vertu spéciale. Ils se bornent à appliquer à la notion générale du nombre les méthodes de construction algébrico-logiques. Aussi bien la définition la plus parfaite du nombre irrationnel (celle qui présuppose le moins de postulats) fait-elle dépendre principalement celui-ci d’une notion assez différente de celle du nombre entier, et plus générale : la notion de classe. Si[1] l’ensemble total des nombres rationnels est partagé en deux classes telles que tout nombre de la première classe soit inférieur à tout nombre de la seconde classe, et tout nombre de la seconde classe supérieur à tout nombre de la première, et telles, d’autre part, qu’il n’y ait dans la première classe aucun nombre plus grand que tous les autres et dans la seconde classe aucun nombre plus petit que tous les autres, — alors le couple des deux classes constitue un élément de raisonnement que l’on appelle « nombre irrationnel ». En partant de cette définition on peut construire un calcul des couples de

  1. C’est là à peu près la définition donnée par Dedekind dans son ouvrage fondamental : Stetigkeit und irrationale Zahlen, Brunswick, 1872.