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quantités variables ; mais on peut aussi la regarder comme l’indication d’une opération. Soit, par exemple, f(x, y, z) l’expression d’une fonction des quantités x, yz. Posant u = f(x, y, z), nous dirons que le nombre u est le résultat d’une opération[1] effectuée sur les nombres (indéterminés) x, yz. Cette « opération » qui peut être, mais qui peut aussi ne pas être, une combinaison d’opérations arithmétiques élémentaires, est entièrement définie, quant à ses effets, lorsque la fonction f est connue. Ainsi nous pourrons regarder une fonction quelconque comme définissant un mécanisme opératoire.

Grâce à cette extension du sens primitif du mot « opération », il sera possible de formuler très simplement les questions relatives aux combinaisons formées d’expressions algébriques. Il s’agit de déterminer l’effet de plusieurs mécanismes opératoires, dont les actions se groupent et se combinent de telles manières qu’on voudra. Pour faire cette étude, l’algébriste considère les opérations comme des unités, comme des éléments simples, et il fait abstraction de leur structure, de même que, en étudiant les expressions, il a fait abstraction de la valeur numérique des lettres assemblées. Et ainsi s’ouvre un nouveau chapitre de la science combinatoire : l’algèbre des opérations, qui a ses définitions, ses notations, ses formules propres.

La branche la plus importante de cette algèbre est la théorie des substitutions et des groupes de substitutions, théorie dont l’exposé systématique fut fait au xixe siècle par Serret et par Jordan, mais dont les bases étaient déjà

  1. Au lieu du mot opération, on emploie aussi le mot transformation.