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avait appliqué la même méthode et ses travaux attirèrent tout spécialement — trente ans plus tard — l’attention de Leibniz. « Souvent — dit Leibniz dans son Projet d’un art d’inventer — les géomètres peuvent démontrer en peu de mots ce qui est fort long par la voie du calcul ; la voie de l’algèbre est assurée, mais elle n’est pas la meilleure »[1].

Cependant, les succès remportés par l’algèbre cartésienne eurent pour effet de reléguer provisoirement dans l’ombre et de faire délaisser pendant près d’un siècle les méthodes non-algébriques. Et c’est pourquoi la théorie inaugurée par Desargues et Pascal ne fut reprise et développée qu’au commencement du xixe siècle, — à la suite des travaux de Gaspard Monge, créateur de la géométrie descriptive. Dans son célèbre Traité des propriétés projectives des figuress[2], Poncelet, élève de Monge, fait ressortir l’infériorité des méthodes géométriques classiques par rapport à la méthode algébrique. « Tandis — écrit-il — que la géométrie analytique offre, par la marche qui lui est propre, des moyens généraux et uniformes pour procéder à la solution des questions qui se présentent… tandis qu’elle arrive à des résultats dont la généralité est sans bornes, l’autre procède au hasard ; sa marche dépend tout à fait de la sagacité de celui qui l’emploie et ses résultats sont presque toujours bornés à l’état particulier de la figure que l’on considère ». Poncelet se propose de remédier à « ce défaut de généralité et d’extension de la géométrie ordinaire » et de créer une méthode de géométrie pure qui puisse rivaliser avec l’ « Analyse géométrique ». Cette méthode est

  1. Opuscules et fragments inédits de Leibniz, éd. Couturat, p. 181.
  2. Traité composé en grande partie pendant la campagne de Russie et publié en 1822.