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ciens comme pour les modernes, un travail d’analyse. Seulement — comme l’explique Ozanam dans son Dictionnaire — les anciens effectuaient l’analyse par la géométrie[1] tandis que les modernes l’opèrent par l’algèbre, et c’est pourquoi une association d’idée toute naturelle conduisit certains auteurs à regarder les termes analyse et algèbre comme strictement équivalents.

Vers la fin du xviie siècle, cette dernière acception du mot analyse était devenue courante. Newton, en particulier, la fit sienne et c’est ainsi qu’à l’arithmétique vulgaire, où le calcul se fait avec des nombres, il oppose l’Analyse, où le calcul se fait avec des lettres, c’est-à-dire l’Algèbre. Et lorsqu’il crée le calcul infinitésimal et le calcul des séries, il se borne (croit-il) à prolonger l’Algèbre, il institue une Algèbre ou « Analyse » perfectionnée : « Quidquid vulgaris Analysis per æquationes ex finito terminorum numero constantes (quando id est possibile) perficit, hæc per æquationes infinitas semper perficiet ». De là le nom d’Analyse infinitésimale, consacré définitivement par Euler[2], qui s’est transmis jusqu’à nous, et qui signifie historiquement : Algèbre de l’infini.

Si le langage de Newton est, sur le point qui nous occupe, d’une clarté parfaite, il n’en est pas de même de celui de Leibniz, et de là vient que nous éprouvons une certaine difficulté à saisir exactement la pensée de ce dernier. L’une de ses idées favorites est que le nouveau calcul doit être regardé comme une synthèse, une combinatoire (combinatoria). Mais pourquoi, dans certains écrits, oppose-t-il radicalement la synthèse ainsi entendue à la mathématique cartésienne, et comment est-il

  1. Dans le Discours de la méthode, Descartes emploie l’expression « Analyse des anciens » dans le sens de « géométrie ».
  2. Dans son Introductio in Analysis infinitorum, 1748.