Page:Boutroux - L’idéal scientifique des mathématiques.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments des fonctions ex, sin x, tang x, etc. Par l’effet de ces découvertes la puissance de la méthode algébrique se trouva accrue dans des proportions que les plus hardis novateurs eussent été incapables de soupçonner avant la fin du xviie siècle. Au lieu de rester limitée, en effet — comme il semblait à première vue qu’elle dût l’être — à un champ restreint et fermé, celui des « fonctions algébriques », l’algèbre désormais, pouvait viser à étudier des relations fonctionnelles absolument quelconques : il suffisait qu’elle renonçât à en écrire la formule algébrique complète et se contentât d’en calculer une expression approchée, avec une « approximation arbitrairement grande ».

Tette est la constatation à laquelle conduisaient les travaux de Newton et qui devait exercer une influence prépondérante sur la marche de la science. N’est-ce point alors, demandera-t-on, que se produit cette brusque rupture avec le passé, qui aurait résulté, s’il faut en croire certains historiens, de la création du calcul infinitésimal ?

Newton, quant à lui, ne paraît pas avoir eu le sentiment qu’il allait changer la figure des mathématiques. Non seulement il adopta et mit à profit l’algèbre cartésienne ; mais respectueux de la tradition, il se référa également aux méthodes des géomètres grecs comme si ses propres méthodes eussent été la suite naturelle de celles-ci. Visiblement, d’ailleurs, Newton avait de la répugnance pour les notations et les vocables nouveaux que se plaisent à multiplier certains auteurs. Avant tout soucieux de précision et d’objectivité, le géomètre anglais se méfiait des généralisations trop hâtives. Tout autre était le tempérament de Leibniz, qui étudia en même temps que Newton (et tout d’abord indépendamment de lui) le problème de la définition