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y avait là une apparente anomalie qu’il était indispensable d’expliquer.

Aussi bien suffisait-t-il d’un peu de réflexion pour s’apercevoir que la difficulté rencontrée n’était pas nouvelle et que c’était, au fond, celle-là même qui avait tant occupé et troublé les géomètres grecs. La confrontation des fonctions algébriques et des fonctions non algébriques (fonctions transcendantes) soulève un problème de tous points comparable à celui qu’a posé, à son apparition, la théorie des nombres irrationnels. Or comment a-t-on résolu ce dernier problème ? En ayant recours aux méthodes du calcul approché, plus précisément en faisant appel à l’idée d’approximation arbitrairement grande ou de convergence. C’est cette idée qui est la base du raisonnement par exhaustion tel que nous le trouvons dans les traités d’Euclide et d’Archimède. Chez les moderness, Viète a appliqué une méthode semblable[1] pour définir certains nombres par des expressions arithmétiques : ainsi il représente le nombre π par l’expression , où une infinité de radicaux sont superposés (si l’on calcule cette expression, arrêtée successivement à son 2e, 3e, …, ne radical, on a une valeur de π « de plus en plus approchée »). Vers la même époque, Bombelli de Bologne définissait des expressions convergentes d’un autre type[2] (1579) et, en 1655, Wallis, dans son Arithmetica infinitorum, faisait le premier une étude systématique des séries arithmétiques et autres expressions convergentes qui permettent de représenter des nombres irrationnels quel-

  1. Variorum de rebus mathematicis responsorum liber VIII, 1597.
  2. Expressions analogues à celles que nous appelons aujourd’hui fractions continues.