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On pourra, il est vrai, faire valoir, à l’encontre du rapprochement que nous cherchons à établir, l’attitude de Descartes lui-même, qui n’a point reconnu l’intérêt de la méthode de Fermat et qui l’a critiquée au contraire dans les termes les plus vifs. Mais ce fut là, de la part de Descartes, l’un de ces accès d’humeur dont on ne saurait tirer aucune conséquence sérieuse. Toujours mal disposé envers les géomètres qui n’étaient pas de son école, Descartes, chose curieuse, semblait redoubler de sévérité à leur égard dans les moments où ils se rapprochaient le plus de son point de vue. Il avait d’ailleurs, pour voir d’un mauvais œil la démonstration de Fermat, une raison que M. Brunschvicg a fort bien mise en lumière. En effet, Fermat, fidèle ses habitudes de prudence et à sa prédilection pour les cas particuliers minutieusement traités, n’avait appliqué sa méthode qu’au cas de la parabole et n’avait point cherché à lui donner une forme générale. Ainsi l’on ne voyait pas immédiatement que cette méthode fût valable dans le cas d’une courbe quelconque et qu’elle pût être exprimée en termes de géométrie analytique. C’est pourquoi Descartes la repoussa. Il suffisait, cependant, d’apercevoir qu’il y a identité entre la dérivée d’une fonction (telle qu’elle apparaît dans le calcul des maxima) et le coefficient angulaire de la courbe correspondante, pour constater que la méthode de Fermat s’adaptait parfaitement aux principes de la géométrie cartésienne et qu’elle en était même une conséquence naturelle.

En résumé, pas plus dans le calcul des « différentielles » que dans le problème de l’ « intégration », nous ne

    maître de Newton, avait, dans ses Lectiones Geometricæ (1669-70), traité des questions analogues, que nous résolvons aujourd’hui à l’aide des dérivées, et qui se ramenaient alors à la détermination géométrique des tangentes à une courbe donnée.