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En rapprochant ces vues techniques de la théorie de la connaissance exposée dans les Regulæ, nous sommes amenés à préciser comme il suit l’idée qu’un Cartésien doit se faire des théories mathématiques.

Les vérités mathématiques sont des faits intuitifs : sur ce point, Descartes, quant à lui[1] est presque d’accord avec les anciens. Toutefois, — et c’est là ce que les Grecs ont méconnu — il est avantageux pour étudier ces faits de suivre une voie détournée (autre que celle de l’intuition). On ne doit pas essayer de les pénétrer d’emblée mais, en partant d’éléments simples combinés suivant les règles de l’algèbre, on essayera de les reconstruire. Ainsi, aux touts perçus par l’intuition, l’on substituera des composés dont la structure et tous les éléments nous sont exactement connus. Dès lors la science, au lieu d’être, comme le croyaient les anciens, une contemplation d’objets idéaux, se présentera comme une construction de l’esprit. La tâche essentielle du savant ne consistera plus à apporter une nombreuse ou belle collection de résultats, mais bien à mettre sur pied de bons instruments de combinaison, à constituer une méthode puissante et efficace.


Descartes estimait qu’une fois posés les principes de la « géométrie analytique », les conséquences devaient se dérouler naturellement par voie de transformation et de combinaison algébrique. La construction effective des formules était, dans sa pensée, comme nous l’avons dit déjà, simple affaire de métier, ne réclamant de notre part aucun effort d’invention. C’était là, certes, un jugement un peu hâtif : car les progrès de la géométrie, rendus solidaires de ceux de l’algèbre, devaient désormais

  1. Voir chapitre premier.