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de leur science, quel dessein poursuivent-ils, quels sont les principes directeurs de leur activité, quel est le phare qui oriente leurs recherches ?

Mais ici se présente une première difficulté. Les questions que nous posons sont des questions de fait, concernant exclusivement la genèse et le développement de la science et qui doivent être résolues en dehors de tout système philosophique. Ce n’est donc ni chez les métaphysiciens de profession, ni dans les écrits métaphysiques des mathématiciens philosophes, que nous devons chercher les données qui nous permettront d’y répondre. Seuls les ouvriers spécialistes de la science, les techniciens purs, pourront nous fournir des indications qui soient sûrement indépendantes de toute idée préconçue. Or il se trouve que, sur les points qui nous préoccupent, les techniciens ont été, de tous temps, particulièrement sobres de renseignements. S’efforçant de nous présenter des théories complètement achevées, ils ont le plus souvent omis de retracer dans leurs écrits la marche de leur pensée ; ils se sont contentés de présenter les conclusions de leurs recherches avec les démonstrations justificatives. C’est pourquoi, parmi les savants les plus illustres, parmi ceux dont les travaux ont exercé le plus d’influence, nombreux sont ceux dont les conceptions et les principes de recherche sont restés impénétrables à leurs successeurs ; on dirait que, comme les géomètres de certaines écoles antiques, ces grands créateurs ont voulu dérober au vulgaire le secret de leur pouvoir.