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l’explicite, laquelle ne résout la difficulté qu’en faisant appel à l’obscure distinction métaphysique de la puissance et de l’acte.

Si la logique contient des éléments irréductibles, les mathématiques en contiennent davantage. Malgré tous leurs efforts, les mathématiciens n’ont pu les ramener à la pure logique. Déjà Descartes distingue, sous les noms d’intuition et déduction, la méthode mathématique et le raisonnement syllogistique. La connaissance mathématique atteint des principes qui ont un contenu et va du simple au composé, ce que ne fait pas la logique. Sous les noms divers de jugements synthétiques a priori, postulats, définitions, axiomes, faits fondamentaux, les mathématiciens philosophes admettent, soit comme venant de l’expérience, soit comme venant de l’esprit, des principes bruts et impénétrables. En fait, les mathématiques se sont constituées et se perfectionnent par un travail de généralisation qui consiste à imaginer des axiomes et des définitions permettant de développer les démonstrations avec le plus de continuité, le moins de lacunes possible. Comment affirmer que des principes ainsi posés pour les besoins de la cause sont tous nécessaires et parfaitement intelligibles ? En fait, l’analyse des principes et des méthodes mathématiques y décèle mainte détermination contingente, maint artifice admis surtout parce qu’il réussit.

Ainsi la nécessité mathématique elle-même n’est plus pour nous inconditionnée, comme elle pouvait l’être pour les anciens, qui tenaient les mathématiques pour entièrement a priori. En revanche, cette nécessité a perdu le caractère esthétique qu’elle avait pour les pythagoriciens et les platoniciens. C’est pour nous une nécessité aveugle et brutale, qui va droit devant elle sans but [138]